Collection de Birte Inge Christensen et John Hunov, Danemark ;

Leur vente, Copenhague, Bruun Rasmussen, 4 octobre 2022, n° 667 ;

Galerie Mathieu Néouze, Paris ;

Acquis auprès de cette dernière par l'actuel propriétaire ;

Collection particulière, Paris

Œuvre en rapport :

Portrait dʼAnna Gabriele Rohde, grès émaillé, musée de Vejen, Danemark, inv. VKV 231.

Notre remarquable sculpture s’inscrit parmi les réalisations les plus fines de Niels Hansen Jacobsen autour du tournant du siècle, moment où l’artiste, alors proche des cercles symbolistes et du milieu céramique européen, explore la puissance expressive du grès émaillé. Figurant son épouse Anna Gabriele Rohde, elle-même artiste, ce portrait conjugue une sensibilité naturaliste profonde à une stylisation aux accents résolument modernistes. Taillée en un relief architecturé, la tête de la jeune femme se détache d’un fond anguleux aux lignes géométriques comme pour souligner tout ce qui oppose l’intériorité délicate du modèle à son écrin robuste et industriel. Le visage, légèrement incliné, se distingue en effet par la douceur de son modelé : la joue pleine, le regard abaissé, la bouche serrée dans une expression de calme déterminé. La patine d’un vert nuancé, oscillant entre olive, bronze et émeraude sourde, enveloppe l’ensemble d’un miroitement organique qui renforce la sobriété élégante du portrait. Le nœud de tissu, traité en plis amples et souples, introduit une note de lyrisme au cœur de cette composition dominée par des lignes rigoureuses. Cette tension entre douceur humaine et structure symbolique inscrit pleinement la sculpture dans l’esprit fin-de-siècle nordique, marqué par le goût pour l’introspection, la mélancolie lumineuse et les formes simplifiées issues de l’Art nouveau scandinave. L’effet général, d’une grande intensité psychologique, transcende le portrait individuel pour approcher une figure idéale : Anna Gabriele Rohde apparaît moins comme un modèle saisi sur le vif que comme l’incarnation de la jeunesse, de la retenue et d’une force intérieure silencieuse. Les variations de l’émail, absorbant la lumière ou la réfléchissant, animent subtilement le visage, donnant à l’œuvre une présence presque mouvante. Hansen Jacobsen affirme ainsi la singularité de son langage sculptural, situé au croisement de la tradition naturaliste et des audaces modernistes du début du XXᵉ siècle. Ayant appartenu à John Hunov, célèbre marchand et collectionneur danois, notre exemplaire, extrêmement rare sur le marché, n’est connu que par un autre tirage actuellement conservé au musée de Vejen. Il constitue un jalon essentiel dans l’œuvre de Niels Hansen Jacobsen, témoignant de son art sensible et structuré, capable d’allier à la vérité du portrait ses aspirations symbolistes.