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Second Half 15th Century, Manises, Spain
Estimate:
€20,000 - 30,000

Complete Description

A Large and Intact Hispano-Moresque Earthenware Blue and Lustred Armorial Charger With the Arms of an Italian Family, Probably the Benzoni Family,
Second Half 15th Century, Manises, Spain

Grand plat rond en faïence à fond plat et lèvre droite, le champ central occupé par un blason « parti d’or aux vairs et loup/chien passant d’azur », entouré sur le fond, le chanfrein et l’aile par des bandes de pampres entièrement en lustre sur fond chamois, au revers décoré de filets concentriques lustrés sur fond chamois, un trou de suspension, intact, usure très légère au niveau de la lèvre.

Diam. : 49 cm

Provenance:

Collection privée française, avant 1999

Puis par descendance

Comment:

Ce très beau plat en céramique lustrée, admirablement conservé, témoigne de la qualité singulière atteinte par les ateliers de Manises dans la seconde moitié du XVe siècle. À cette époque, alors que la péninsule Ibérique est largement repassée sous domination chrétienne, la production de céramique à lustre métallique connaît un essor remarquable dans la région de Valence. Héritière des traditions techniques nasrides, et notamment du savoir-faire des artisans de Malaga, elle se distingue dès les années 1430 par une diversification rapide des motifs décoratifs, parmi lesquels le motif des pampres, dont on retrouve ici une interprétation particulièrement soignée. La grande finesse du dessin de ces pampres, associée à la qualité du lustre métallique, invite à rapprocher notre bassin d’une exceptionnelle pièce aux armes des Ricci de Florence, conservée au musée de Cluny (Cl. 1686), et datable du troisième quart du XVe siècle.

L’écu héraldique qui orne le centre de notre plat illustre la place grandissante des blasons dans le décor des céramiques de Manises à partir des années 1430. Cette évolution accompagne le succès international de ces pièces, commandées par les grandes familles aristocratiques européennes, notamment italiennes, soucieuses de faire figurer leurs armoiries sur ces objets de prestige. L’identification de ces blasons demeure parfois délicate, en raison des contraintes techniques imposées par la palette du céramiste qui doit rendre en monochromie des compositions héraldiques polychromes. Cette difficulté est illustrée par un vase conservé au musée de Cluny (Cl. 7647), dont le blason a été successivement attribué aux Salvi de Sienne, aux Nori ou aux Gentili de Florence (voir à ce sujet Xavier Dectot, « Valence et ses environs », In Reflets d’or, Paris, 2008, no. 68, p. 98). Par ailleurs, les artisans de Manises, peu familiers des subtilités héraldiques, commettent fréquemment des erreurs, comme en témoigne le blason de la famille florentine Strozzi sur un plat présenté chez Christie’s Londres (12 octobre 2023, no. 214), dont les croissants de lune sont orientés vers le bas au lieu d’être dirigés vers le haut.

Dans le cas présent, il convient de signaler une erreur manifeste d’orientation dans la représentation héraldique. Le canidé figuré en bleu cobalt, placé au-dessus d’un fond vairé d’or et d’azur, est représenté à la verticale, alors que la position « passant » implique nécessairement une disposition horizontale selon les conventions héraldiques. Le blason doit ainsi être tourné de 90 degrés pour être restitué conformément aux usages. Sous cette forme, il peut être rapproché des armes d’une grande famille patricienne de Venise, les Benzoni. Originaire de Crema, les Benzoni prennent part aux luttes dynastiques qui marquent le duché de Milan au début du XVe siècle, avant que Giorgio Benzoni, dernier représentant de la branche principale, ne trouve refuge à Venise où il obtient le titre de patricien dans les années 1420 (voir à ce sujet la notice dans Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 8, Rome, 1966 accessible en ligne).

Cette possible identification à une commande vénitienne revêt un intérêt particulier, tant ces pièces demeurent rares dans la production de Manises. En effet, la majorité des blasons identifiés sur ces céramiques appartiennent aux grandes familles toscanes, notamment florentines et siennoises, parmi lesquelles figurent les Medici (par exemple Metropolitan Museum of Art, inv. 94.4.175), dont les liens financiers et commerciaux avec Valence étaient alors particulièrement étroits. Les commandes vénitiennes, quant à elles, restent exceptionnelles. À ce jour, seuls un bol aux armes des Gabrieli (Victoria and Albert Museum, inv. 605-1906, mentionné dans Marco Spalanzanni, Maioliche Ispano-moresche a Firenze nel Rinascimento, Florence, 2006, note 10, p. 12) et un plat aux armes des Angarani de Vicence (Metropolitan Museum of Art, inv. 56.171.138) sont recensés. Le goût des grandes familles vénitiennes pour ces céramiques à lustre métallique est pourtant bien attesté, comme en témoigne un décret du Sénat de Venise daté de 1455, qui proscrit l’importation de faïences étrangères, à l’exception de celles produites à Manises (William Drake, « Notes on Venetian Ceramics », 1868, p. 11).

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