Pour Edouard Vuillard, la naissance en 1898 de sa nièce adorée, Annette, fille de sa sœur Marie et du peintre Ker-Xavier Roussel, fut non seulement un événement majeur sur le plan personnel mais elle eut aussi une influence considérable sur son travail.
L'arrivée d'Annette, dont il accompagna les premiers pas comme un véritable second père, incita le peintre à explorer les thèmes de la maternité et de l'enfance qui semblaient être jusque alors, chez les Nabis, la chasse gardée de Maurice Denis. Mais, contrairement à son prédécesseur " aux belles icônes ", Vuillard ne voulut pas du tout verser dans la sacralisation figée de cette représentation hautement symbolique, il saisit surtout l'occasion de cette irruption soudaine et joyeuse pour revitaliser son espace pictural, la vie s'immisçant dans les intérieurs silencieux, les couleurs s'éclaircissant et la touche vibrant d'une énergie nouvelle.
Dans le 'Portrait de Stéphane Desmarais', cette nouvelle manière s'exprime pleinement et l'intérieur dans lequel évolue le jeune garçon prend même les allures d'un palais merveilleux aux mille couleurs, fruit de l'imagination fertile de l'enfant qui, au premier plan, dessine avec une application inspirée. Vuillard semble ainsi profiter de ce nouveau thème pour redécouvrir ce qu'il peint, tel un nouveau-né s'appropriant petit à petit son environnement. L'artiste s'identifie avec un enthousiasme juvénile à son modèle qui jette ses premières couleurs sur le papier.