Paris, Alphonse Derenne, 1876, in-4°, en feuilles, couverture de feutre du Japon de l'éditeur, titrée en lettres d'or, avec ses cordonnets de soie, l'un rose et l'autre noir, et son étiquette de prix.

ÉDITION ORIGINALE.

Un des chefs-d'œuvre de la poésie française.
Appelée successivement Improvisation d'un faune puis Monologue d'un faune, une partie de ce poème en alexandrins fut composée en 1865. Présentée en septembre de cette même année à Coquelin et à Théodore de Banville dans l'espoir qu'elle serait jouée au Théâtre français, ceux-ci l'écartèrent pour ne pas y avoir trouvé la dimension anecdotique que demandait le public. Mallarmé (1842-1898) ne reprit pas Le Faune avant le printemps 1866, après quoi survint un nouveau silence de dix années avant qu'il ne soit édité. Sur les conseils de François Coppée et d'Anatole France, Alphonse Lemerre avait refusé de le joindre à la troisième anthologie du Parnasse contemporain et ce fut Alphonse Derenne qui en assura la publication.
L'auteur, fort soucieux de l'élégance de son œuvre, en surveilla attentivement l'impression et, sensible à la rareté, souhaita une édition à tirage restreint.
À sa parution, cette plaquette d'un luxe jusque-là inconnu fut célébrée par de nombreux écrivains. Le poète anglais Charles A. Swinburne écrivit : " Merveilleux petit joyau de poésie si dignement et si délicatement enchâssé comme un diamant dans un écrin de perles. " Quant à Catulle Mendès, il lui consacra un article louangeur dans La République des Lettres et Huysmans, quelques années plus tard dans À Rebours, fit faire l'éloge de cette minuscule plaquette au raffinement parfait par Des Esseintes.

L'un des premiers livres de peintre.
Un ex-libris et un frontispice tirés sur chine contrecollé et rehaussés au lavis rose, un bandeau et un cul-de-lampe, l'ensemble gravé sur bois d'après les dessins d'Édouard Manet (1832-1883).
Un an après avoir déjà réalisé les illustrations pour la traduction par Mallarmé du Corbeau de Poe, Manet donne cette fois quatre dessins dont le trait léger répond, là encore sans se soumettre servilement au texte, à la joyeuse légèreté de l'œuvre. On considère que ces deux ouvrages marquent la naissance du livre de peintre.
L'artiste rehaussa lui-même au lavis rose le frontispice et l'ex-libris tirés sur chine volant, ainsi qu'il l'écrit dans une lettre à Mallarmé?: " Il faut absolument arrêter les frais de coloriage... Je me charge de les faire moi-même. "

L'un des 175 exemplaires sur hollande, celui-ci adressé par Stéphane Mallarmé à Jules Claretie et comportant un envoi autographe à l'encre rouge :

Ex-libris
de Jules Claretie

avec tous les compliments
de Stéphane Mallarmé

Romancier et journaliste, entre autres au Figaro et au Temps, Jules Claretie (1840-1913) fut, en 1875, au moment de la parution de la traduction du Corbeau, l'un des rares journalistes, avec Léon Cladel, à soutenir hardiment l'œuvre de Mallarmé. Plus tard, entre 1885 et 1913, il devint administrateur général de la Comédie française.

La fragile plaquette est préservée dans une chemise et un étui bordés de maroquin rouge.

Édition limitée à 195 exemplaires, tous justifiés et signés à l'encre rouge par Stéphane Mallarmé.

Dimensions : 310 x 220 mm (couverture) ;
286 x 200 mm (feuillets).

Provenance :
Jules Claretie (Cat. I, 14-19 janvier 1918, n° 845).

Bibliographie :
Harris (J. C.), Édouard Manet. The Graphic Work. A Catalogue Raisonné, San Francisco, Alan Wofsy, 1990, pp. 248-249, n° 84 ("woodengravings after drawings by Manet") ; Peyré (Y.), Peinture et poésie, Gallimard, 2001, pp. 82-83 et 229, n° 3 ; Chapon (F.), Le Peintre et le livre, Flammarion, 1987, p. 20-24 ; The Artist & the Book, 179 ; Fisher, Manet, 72 ;
Ray (G. N.), The Art of the French Illustrated Book, 1700 to 1914, New York, Dover, 1986,
pp. 366-371, n° 278 ; Steinmetz (J.-L.), Stéphane Mallarmé, Fayard, 1998,
pp. 170-182 ; Abélès (L.), " "Je suis pour - aucune illustration" : Mallarmé et le livre illustré ", in Mallarmé, 1842-1898, Gallimard-RMN, 1998, pp. 108-115.