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Domenico FETTI Rome, 1589 – Venise, 1623
David tenant la tête de Goliath
Estimation :
70 000 - 100 000 €

Description complète

David tenant la tête de Goliath
Huile sur toile

David holding Goliath's head, oil on canvas, by D. Fetti

66.14 x 53.54 in.

168 cm x 136 cm
Provenance :

Vente anonyme ; Lille, Mes Mercier, Velliet, Thullier, May, 27 octobre 1996, n° 159 (comme Camillo Motta) ;

Acquis lors de cette vente par l'actuelle propriétaire ;

Collection particulière, France

Commentaire :

Comme son contemporain Guido Reni (1575-1642), dont nous redécouvrons un David et Goliath inédit cette année1, Domenico Fetti dispose d’un éventail de sujets assez restreint qu’il répète dans des contextes de création différents. Le thème de David et Goliath constitue l’un des sujets de prédilection de Fetti qui en donne plusieurs versions2 (fig. 1). Cette pratique sérielle est à comprendre comme une réponse à une multiplicité de commandes concomitantes qu’il aborde avec inventivité comme l’en attestent les traitements variés qu’il propose de ce thème en vogue de l’Ancien Testament.


Offrant une nouvelle interprétation du sujet, notre tableau constitue une importante redécouverte pour le corpus d’un artiste rare dont la carrière s’achève brutalement à l’âge de trente-quatre ans. Né à Rome dans une famille versée dans l’art3, Domenico Fetti apprend le métier de peintre dans la Ville Eternelle probablement auprès de Ludovico Cigoli et se forme intellectuellement auprès des Jésuites de la Chiesa Nuova. Il est ensuite actif à Mantoue où il travaille au service du cardinal et duc Ferdinand II Gonzague (1587-1626) à partir de 1613 tout en répondant en parallèle à d’autres commandes émanant du milieu vénitien4. Contraint de quitter Mantoue en raison d’une violente dispute, il s’établit à Venise en 1622 et y meurt l’année suivante.


L’éclectisme des sources d’inspiration de Domenico Fetti, qui comptent aussi bien Rubens que les peintres vénitiens actifs au XVIe siècle tels Tintoret, Bassano ou encore Véronèse, explique en partie l’originalité de sa personnalité artistique. Fetti est profondément marqué par l’art de Rubens qui, à son arrivée en Italie en 1600, fut recruté par le duc de Mantoue Vincenzo I Gonzague. La présence à Mantoue jusqu’en 1608 de l’ambitieux et talentueux peintre flamand qui répond aux commandes d’un duc avide de peinture et de luxe ouvre la voie à l’épanouissement artistique de Fetti. Notre toile présente des éléments caractéristiques de la manière du peintre nourri de ces multiples influences : des coups de pinceau fluides et libres chargés de matière ainsi que des effets de lumière chatoyants. Fetti emprunte également certains aspects du naturalisme au Caravage dont il a vu les œuvres à Rome ainsi que les violents contrastes lumineux.


La veine mélancolique propre à son répertoire participe à faire de Fetti un peintre atypique, énigmatique, voire hors-champ. Ainsi, la figure récurrente du chien qui parcourt l’œuvre de Fetti a longuement interrogé les historiens de l’art. Ce même chien blanc figuré aux pieds de David est également représenté dans le tableau La Mélancolie dont nous connaissons plusieurs versions (fig. 2). Certains ont voulu y voir un jeu de mots autour du saint patron de Fetti, saint Dominique (Domini-canis), même s’il est probable que d’autres lectures, sans doute plus érudites, furent en jeu. Auprès de Ferdinand Gonzague, Fetti semble avoir nourri une vision du monde sophistiquée, imprégnée de connaissances intellectuelles chrétiennes et académiques. Depuis quelques années, des chercheurs ont accordé une attention croissante à la place occupée par les secrets et le mystère dans l’art de Fetti qui se dévoile comme un peintre de l’énigme, du rébus et du symbole6. La divulgation - ou au contraire la dissimulation - des secrets servaient à distinguer certains cercles de sociabilité et créer des communautés exclusives d’initiés selon différents critères tels l’érudition, le statut social ou encore le genre. Aussi, faut-il voir les armes qui figurent sur l’épée de David comme une autre énigme à découvrir…


1.     Le tableau sera mis aux enchères dans nos salles le 25 novembre prochain.

2.     Citons les David et Goliath de l’Akademie der Bildenden Künste de Nuremberg (no GVS 249), du musée Pouchkine de Moscou (no 2676), des Gallerie dell’Accademia à Venise (no 669), de la Royal Collection de Londres (no404731) ou encore de la Gemäldegalerie de Dresde (no 415).

3.     Son père Pietro Fetti et sa sœur Lucrina Fetti étaient peintres, tandis que son frère était marchand d’art à Venise.

4.     Il reçoit un salaire de 30 à 40 scudi par mois de la part de Ferdinand Gonzague.

5.     Citons les versions du musée du Louvre, n° INV 281 et des Gallerie dellAccademia à Venise, inv. no 671.

6.     Voir par exemple Sean Roberts, « Silence and secrets in Domenico Fetti’s Portrait of Man with a Sheet of Music », Renaissance Studies, vol. 27, no 2, p. 270-290. Nous renvoyons également aux travaux récents de Raffaella Morselli ainsi qu’à son étude des rapports entre Ferdinand Gonzague et Domenico Fetti : « Ferdinando Gonzagua « secretario di natura » et il « maraviglioso, eccellente invitto » Domenico Fetti », Studi di storia dell’arte, 9, 1998, p. 155-218.

 

Nous remercions Monsieur Francesco Petrucci de nous avoir aimablement confirmé l’authenticité de cette œuvre d’après photographies dans un courriel en date du 8 septembre 2025.

Nous remercions Madame Raffaella Morselli de nous avoir aimablement confirmé l’authenticité de cette œuvre d’après photographies dans un courriel en date du 25 septembre 2025.


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