COCTEAU (Jean). MANUSCRIT AUTOGRAPHE SIGNÉ ET TAPUSCRIT CORRIGÉ DU TEXTE " LE THÉÂTRE ET LA MODE ".
Ce texte fut publié dans le premier numéro de la revue " Masques " de février 1945.
Manuscrit : 14 pages in-4 à l'encre comportant une vingtaine de corrections autographes, dont le titre modifié : Cocteau avait initialement écrit " Le Théâtre et le poète ".
Le manuscrit présente de nombreuses variantes avec la version imprimée surtout deux importants passages sont restés inédits dans la version publiée de ce texte.
Tapuscrit : 7 pages in-4, comportant une trentaine de corrections autographes, au crayon et à l'encre.
Joint : Numéro 1 de la Revue " MASQUES ", Revue Internationale d'Art Dramatique, février 1945, Directeur André Bost ; numéro dans lequel le présent texte de Cocteau fut publié (pp. 16-17).
Important texte de cocteau développant sa vision de la mise en scène au XXe siècle et précieux document dans lequel Cocteau évoque ses débuts au théâtre avec les ballets russes parade, Picasso et Satie.
" (...) ma courbe de théâtre commence aux Ballets russes de Serge de Diaghilew lesquels ont bouleversé la scène et apporté au monde cosmopolite des spectacles d'un luxe et d'une violence dont il n'avait aucune idée. On en était à l'école d'Antoine qui réagissait contre le symbolisme. Ce symbolisme dont les deux cimes pourraient être Wagner et Maeterlinck, échangeait ses dialogues, ses rêves, ses vagues d'amour et de mort, son mystère et son mythe dans un cadre qui ne renouvelait rien. Pelléas se jouait dans les décors réalistes de l'ancien Opéra-Comique et lorsqu'Edmond Rostant, avec Chantecler, vint apporter aux symboles la consécration officielle et pour ainsi dire le salut de la droite à la gauche, c'est sous de véritables carcasses d'animaux et parmi des fermes et des forêts brossées dans le style le plus conventionnel. (...) je le répète Pelléas, le Pelléas de Maeterlinck et de Claude Debussy, montait jusqu'aux cheveux de Mélisande par une vieille tour recouverte de faux lierre et cette vieille tour était l'?uvre du peintre Jambon, le même qui mourut de désespoir lorsque le triomphe de Léon Bakst (premiers Ballets Russes) vint balayer nos xcènes et substituer à la poussière grise une poussière nouvelle, poussière d'or et de vives couleurs. (...) Hélas entrer dans les coulisses c'est perdre un paradis pour pencher dans un autre (...) j'ai souvent raconté ailleurs le contraste entre le Nijinsky du Spectre de la Rose qui entrait saluer et sourire cinquante fois sous un tonnerre d'acclamations et le pauvre athlète qui, entre chaque salut, râlait contre un portant, une main à ses côtes, presque évanoui, douché, massé, épongé par ses soigneurs (...) Ma véritable collaboration avec le Ballet Russe fut de l'aider à tourner une page. Diaghilew reniflait vite les choses. L'orientalisme de Bakst et le folklore de Benois commençaient à se vulgariser et à envahir le Music-hall. Je lui amenai Picasso et Érik Satie. En pleine guerre, nous fîmes Parade qui laisse le souvenir type du scandale salubre. Depuis le scandale de Hernani je ne sache pas qu'on puisse citer un pareil remue-ménage. Le mot " cubisme " servait de cible. Le décor simple, superbe et solonnel de Picasso, décor de rue et de foire nocturne, la musique sans sauce et comme toute nue d'Érik Satie, mes personnages (les uns naturels, les autres couverts de carcasses) qui me servaient à hausser des gestes de la vie quotidienne jusqu'au style de la danse, tout cela révoltait d'avance un public prévenu contre le neuf (...).