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RARE LANTERNE DU DERNIER QUART DU XVIIIe SIÈCLE
Travail probablement italien
Estimation :
40 000 - 60 000 €

Description complète

RARE LANTERNE DU DERNIER QUART DU XVIIIe SIÈCLE
Travail probablement italien

En argent, bronze ciselé et doré, le bouquet à trois bras de lumière, le corps vitré de forme circulaire rythmé de pilastres à cannelures rudentées, surmontés de rosaces et de guirlandes de feuilles de chêne, le couvercle ceint d'une frise de canaux rudentés, d'un rang de perles, d'une frise d'oves ajourée, surmonté d'une graine feuillagée

H. : 49 cm (19 ¼ in.)

D. : 25,5 cm (10 in.)


A rare silver and gilt-bronze three-light lantern, last quarter of the 18th century, probably Italian


Les luminaires en argent et bronze datant du XVIIIᵉ siècle et ayant survécu jusqu’à nos jours sont extrêmement rares ; encore plus rares sont celles de nature profane, la plupart des exemplaires connus ayant été réalisés pour des églises ou des chapelles privées.


Cette rare lanterne illustre l’incroyable virtuosité technique des orfèvres italiens travaillant le métal à cette époque ; l’influence des arts décoratifs français est évidente dans le dessin et la conception de cette lanterne, qui mêle un décor de pilastres doriques cannelés, frise de perles, fleurons et oves. Au XVIIIᵉ siècle, le Grand Tour était devenu un évènement incontournable pour les amateurs et les érudits qui sillonnaient l’Italie du Nord au Sud, favorisant les liens artistiques et culturels entre les deux pays ; Rome et Naples étaient de toute évidence des étapes majeures, surtout depuis les travaux qui firent resurgir Herculanum en 1738 et Pompéi en 1748.


À ce propos, il est intéressant de rappeler que Thomas Germain, le plus illustre des orfèvres français au XVIIIᵉ siècle, partit à Rome afin de poursuivre sa formation ; il revint en France vers 1710 pour introduire le style Baroque qui allait devenir le style rocaille dans l’orfèvrerie française.


Parmi les artistes actifs en Italie au XVIIIᵉ siècle et ayant excellé dans l’art de l’orfèvrerie et du bronze doré, il convient de rappeler Luigi Valadier, né à Rome en 1726 d'une famille d'origine française. Il grandit à Rome et suivit une formation d'orfèvre qui l'emmène à Paris vers 1754. Il est reçu maître à Rome en 1760 et devient très vite célèbre pour sa qualité d'exécution et son style dynamique. Il réalise des commandes pour le Vatican, pour la famille Borghèse mais aussi au-delà des Alpes pour la Cour du Portugal et pour l'aristocratie anglaise. Il reçoit également dans son atelier le pape Pie VI et même le roi Gustave III de Suède. Ses réalisations sont principalement en argent, mais son atelier conçoit aussi des pièces mêlant ce dernier avec du bronze doré ou des pierres dures. À sa mort en 1785, l’atelier fut repris par son fils Giuseppe, qui deviendra un des chefs de file du néoclassicisme en Italie.


Dans le corpus recensé des luminaires de Valadier, on connaît seulement trois lampes de sanctuaire et deux lustres en argent et bronze doré réalisés vers 1760 pour la cathédrale de Santiago de Compostelle (cfr. A. Gonzales-Palacios, Luigi Valadier, The Frick Collection, New York, 2018, p. 306, fig. 7_II et 7_12). Leur inspiration encore fortement rocaille semble dériver de l’œuvre de Caffieri que Valadier aurait pu étudier lors d’un séjour parisien ou dans le cadre d’une visite au Palais de Colorno, où la duchesse de Parme, fille aînée de Louis XV, avait amené les célèbres lustres de Caffieri depuis Paris.


En 1775, Valadier reçoit également une commande pour réaliser deux lampes de sanctuaire en argent et bronze doré pour Lord Arundell ; il les livra en 1777 au château de Wardour où elles se trouvent encore aujourd’hui (cfr. A. Gonzales-Palacios, ibid., p. 347, fig. 7_49).


La prise et l’anneau qui décorent la partie haute de notre lanterne, tout comme la frise de feuillage stylisé et les guirlandes de laurier, se retrouvent sur les attaches (cfr. Artemis Group, Valadier Three Generations of Roman Goldsmiths, Londres, 15 mai-12 juin 1991, p. 72) des lanternes Arundell (cfr. Fig. 1) tout comme sur un projet de suspension attribué à Valadier (cfr. Fig. 2).

La ville la plus réputée au XVIIIᵉ siècle en Europe pour réaliser des ouvrages mêlant argent et bronze doré est sans conteste Naples ; cette habitude concerne tout autant les œuvres sacrées que profanes.


Par ses lignes et la structure de sa façade ponctuée de colonnes en bronze surmontées de chapiteaux d’ordre dorique, notre exemplaire peut être mis en relation avec l’évolution du goût dans les arts décoratifs napolitains, à la suite des découvertes archéologiques qui attirèrent à Naples un large groupe d’érudits provenant de différents pays européens, ainsi que le chantier de construction du palais de Caserte, démarré par l’architecte Luigi Vanvitelli, puis terminé par son fils Carlo.


La nouvelle vague néoclassique dans les intérieurs fut vite reprise dans d’autres demeures aristocratiques napolitaines, telles que le palais Doria d’Angri ou le palais de la Princesse Cassano Carafa.


Cette précieuse lanterne, sûrement une œuvre de commande destinée à se fondre dans une pièce précise, aurait pu être réalisée pour une résidence royale napolitaine ou bien pour une demeure de la haute aristocratie ; hélas, l’absence de numéros d’inventaire ou de marques parvenues jusqu’à nos jours ne nous permet pas d’affirmer cela avec certitude.

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