En placage de bois de rose, ornementation de bronze ciselé et doré, la façade ouvrant par un tiroir latéral et trois tablettes coulissantes dont une formant écritoire et les autres gainées de moiré, les montants cambrés réunis par une tablette d’entrejambe, trois poinçons de jurande JME sous la traverse, numéro d'inventaire "6293" sur la tranche droite du tiroir latéral, une étiquette inscrite « Hodgkins » sous la tablette d’entrejambe ; deux sabots en bronze rapportés
H. : 68,5 cm (27 in.)
l. : 41 cm (16 ¼ in.)
P. : 30 cm (11 ¾ in.)
Provenance :
Probablement acquise par Edwin Marriot Hodgkins (1860-1932), selon l'inscription manuscrite "Hodgkins" présente sous la tablette d'entrejambe ;
Ancienne collection de Madame Anne-Marie Dubernet Douine (1857-1945) ;
Sa vente, Paris, Galerie Charpentier, les 11-12 avril 1946, lot 142 (partie de lot) ;
Ancienne collection Hubert de Saint-Senoch ;
Sa vente, Sotheby’s Monaco, le 4 décembre 1983, lot 295 (600 000 FF) ;
Ancienne collection Pierre Jourdan-Barry ;
Puis par descendance au propriétaire actuel.
A Louis XV gilt-bronze mounted and tulipwood writing table, attributed to Bernard Van Risen-Burgh, called BVRB II
Ces deux rares tables avec leur fins pieds cambrés et leur parure de bronze d’une qualité remarquable sont caractéristiques de l’œuvre de Bernard II Van Risen Burgh (BVRB), sans doute le plus talentueux et le plus grand ébéniste de la période Louis XV et qui fut à l’origine de nombreux chefs-d’œuvre de la période dont beaucoup furent destinés à la famille royale et à son entourage.
Elles peuvent être rapprochées de la table figurant dans le célèbre portrait de Madame de Pompadour peint par François Boucher en 1756, provenant de l’ancienne collection du baron Maurice de Rothschild et aujourd’hui conservé à la Alte Pinakothek de Munich.
Cette table est mentionnée dans le catalogue de la vente Boucher de 1771 et ainsi décrite : « 1006 –Un vide-poche, fait par Bernard, il est en bois de rose et amarante, le dessus de bois de violette entouré d’un quart de rond, chute, sabots et ornements de bronze doré. Hauteur 25 pouces, longueur 15 pouces 6 lignes, largeur 10 pouces et 9 lignes ».
Ce prototype célèbre appartient à un corpus restreint de tables presque identiques, toutes estampillées ou attribuées à BVRB, ne variant que par le dessin du tablier ou de la marqueterie du plateau. Il est probable que ces modèles furent livrés par l’intermédiaire d’un marchand-mercier tels Lazare Duvaux, connu pour avoir fourni des pièces de BVRB à Madame de Pompadour.
En effet, le livre-journal de Lazare Duvaux du 27 janvier 1750 nous apprend la vente à Madame Rouillé « une petite table à la Pompadour, avec ses cornets en bois satiné a fleurs, 72 livres » (Livre-Journal, no. 432), qui pourrait donc bien représenter une table de ce même modèle que les nôtres, popularisée par la Favorite du Roy.
Cette typologie de tables peut être divisée en deux catégories distinctes. La première présente un plateau fixe et est normalement munie d’une tablette formant écritoire et d’un tiroir latéral à encrier ; un exemplaire de ce type figure dans l’inventaire de Madame de Pompadour au château de Saint-Hubert : « Une table à écrire en bois de rose et fleurs de bois de violette ayant par devant une tablette à coulisse couverte de maroquin noir, à droit un tiroir à clef garni d’encrier, poudrier et boite d’éponge ».
Le second groupe, auquel appartient la table numéro 35 de la vente, se caractérise par un plateau déployant un intérieur compartimenté et un petit tiroir latéral, usage typique des dames pour ranger rubans et accessoires de toilette.
Nos exemplaires se distinguent de celui du tableau de Boucher par une rare marqueterie à décor d’éventail (cfr. Fig. 1), remplaçant la plus courante marqueterie florale de bois de bout, ainsi que par leurs proportions légèrement plus compactes.
À ce jour, seuls trois autres exemples comparables sont répertoriés :
- La table estampillée de l’ancienne collection Wrightsman et aujourd’hui conservée au Metropolitan Museum of Art (cfr. Fig. 2) de New York (inv. 1984.471.2).
- La table de l’ancienne collection Viguier, vendue à Paris, Me Ader,
le 21 mars 1968, lot 94 (cfr. Fig. 3).
- L’exemplaire de l’ancienne collection Dutasta, puis collection Alexander, puis collection du docteur (cfr. Fig. 4) Peter Sommer (vente Christie’s Londres, le 4 décembre 2014, lot 10).
UNE PROVENANCE PRESTIGIEUSE
Nos tables bénéficient d’une illustre provenance, ce qui accroît encore davantage leur rareté.
En effet, elles figuraient autrefois dans les collections de la célèbre philanthrope et mécène française Anne-Marie, dite Cyprienne, Dubernet-Douine (1857-1945),
(cfr. Fig. 5).
Issue d’un milieu modeste, elle travailla comme vendeuse aux Grands Magasins du Louvre avant d’épouser leur directeur et propriétaire, Olympe Hériot (1833-1899), auquel elle donna quatre enfants. À la mort de son mari, elle hérita d’une fortune considérable, qu’elle utilisa pour faire édifier un somptueux hôtel particulier rue de la Faisanderie, la villa Cypris à Roquebrune-Cap-Martin, ainsi que le magnifique yacht Salvador, avec lequel elle aima naviguer longuement en Méditerranée.
Grande collectionneuse de tableaux anciens, de tapisseries et de mobilier du XVIIIe siècle, à l’instar des deux tables que nous présentons ici, elle recevait avec faste, aussi bien à Paris que dans son château de La Boissière.
En 1908, elle épousa en secondes noces Roger Hippolyte Douine (mort en 1925), issu d’une famille de filateurs de Troyes. Sa grande générosité et les nombreuses œuvres de bienfaisance qu’elle organisa durant la Première Guerre mondiale lui valurent d’être décorée de la Légion d’Honneur en 1921.
À son décès en 1945, une importante vente aux enchères fut organisée en avril 1946. Le quotidien L’Aurore du 12 avril 1946 décrivait l’événement en ces termes : « La Galerie Charpentier a vu hier se disperser les premières richesses de la collection Dubernet-Douine. Cette vente, la plus importante qu’on ait vue depuis vingt-cinq ans […] ».
Le destin de nos tables semble suivre celui de la famille, dans la mesure où elles réapparurent en 1983 dans la collection du vicomte Hubert de Saint-Senoch (1913-1983), fils unique du vicomte François et de Madame, née Virginie Hériot (1890-1932), elle-même fille d’Anne-Marie Dubernet et d’Olympe Hériot, son premier époux.
EDWIN MARRIOTT HODGKINS, MARCHAND ET COLLECTIONNEUR
L’étiquette manuscrite « Hodgkins » qui apparaît sous la tablette d’entrejambe de la table numéro 36 correspond très certainement à Edwin Marriott Hodgkins (1860-1932), grand marchand et collectionneur d’art anglais spécialisé dans le mobilier et les tableaux anciens. Sa galerie était située au 5 King Street à Londres entre 1889 et 1890, puis à Pall Mall, Old Bond Street, et enfin au 158B New Bond Street entre 1904 et 1920. Hodgkins développa une importante clientèle internationale — dont Henry Walters (1848-1931) — ce qui lui permit d’ouvrir également une galerie à New York, ainsi qu’une autre à Paris, au 3 rue de Berri.
*Information aux acheteurs :
Pour une sortie de l'UE, un CITES de ré-export peut être nécessaire, celui-ci étant à la charge du futur acquéreur.
*Information to the buyers :
For an exit from the EU, a CITES re-export certificate will be necessary, at the buyer's expense.