(Restaurations et micro soulèvements)
Collection particulière, Paris
" 'Scavez vous à quoi les Loisons
Ont tant gagné de Ducatons ?
C'est à bien faire la besogne
Qu'on fait au Bois de Boulogne' 1. "
La réputation des sœurs Loison - Jeanne la blonde et Catherine la brune - était des plus sulfureuses. Célébrées pour leurs multiples amants, elles étaient à la fois courtisanes, tenancières d'une salle de jeu et musiciennes 2. Entourées d'une compagnie riche, brillante et cultivée, elles usaient de leur influence jusqu'au membres de la Cour. Or, si leurs aventures distrayaient le roi Louis XIV, ce dernier tint tout de même à les maintenir à distance, conduisant même Jeanne à l'exil en 1711. Élève de son père, puis de Nicolas Loir et Claude Lefebvre, François de Troy fut reçu à l'Académie Royale en 1674 et demeure considéré comme l'un des principaux portraitistes de son temps. Au Salon de 1699, il exposa trois portraits, parmi lesquels ceux des " Demoiselles Loison sœurs " (Livret du Salon, p. 14). Le tableau est certainement celui cité quelques années plus tard dans l'inventaire des biens de Catherine Loison, qui mentionnait " un Grand Portrait representant ladite Dame [...] peint par De Troyes garny de sa bordure doré 3". Cette toile fut gravée par André Bouys et l'estampe exposée au Salon de 1704 (Livret du Salon, p. 22). En mai 1700, Catherine Loison épousa Pierre Le Cornu, chevalier de La Boissière, dont le nom si approprié suscita un certain nombre de moqueries par ses contemporains. Le mari cocu n'eut à souffrir longtemps de la situation, puisque la gravure d'André Bouys indiquait en 1704 que Catherine était déjà veuve. Cette estampe permet d'identifier le modèle du tableau avec certitude et porte une inscription supplémentaire sur la partition : " Sarabande de Mademoiselle Loison ". Une version de ce portrait de Catherine Loison tenant une partition fut récemment vendue dans nos salles 4.
Il s'agit ici d'un autre portrait de Catherine Loison, sans doute également âgée de trente ans environ, représentée en buste dans une attitude plus habituelle. Comme sur le tableau présenté en 2023 dans nos salles, François de Troy, avec le concours de son atelier, apporte un grand soin au traitement des tissus chatoyants que revêt le modèle.
1. Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, ms. fr. 12620, Chansonnier de Maurepas, vol. 30, feuillet 155.
2. Voir l'article de Pascale Cugy, " Images et célébrité. A propos des portraits en mode de Jeanne et Catherine Loison ", dans Thomas Kirchner, Sophie Raux et Marlen Schneider, L'art de l'Ancien Régime: Sortir du rang!, 2022, p. 127-145.
3. Paris, Arch. nat., MC/CXVII/198, le 30 mars 1705, cité par Calame, Regnard : sa vie et son œuvre, Paris, 1960, p. 89 (note 14).
4.Vente anonyme ; Paris, Artcurial, 22 novembre 2023, n° 71 (vendu 23 239€).