En bois sculpté et doré, le dossier cintré orné au centre d’un aigle aux ailes déployés ceint d’une couronne de laurier enrubannée, les montants en pilastre cannelés surmontés de chapiteaux agrémentés de feuilles d’eau, les supports d’accotoirs à décor de griffons, la ceinture cannelée, reposant sur des pieds en griffe à l’avant et en sabre à l’arrière, garniture de cotonnade crème, étiquette imprimée inscrite "C. S. BONIF (...) 42" au dos d'un des quatre fauteuils ; légère différence de sculpture et de taille sur l'un des quatre fauteuils, petits accidents et manques à la dorure, traces de vers
H. : 108 et 109,5 cm (42 ½ in. et 43 ¼ in.)
l. : 66 et 67,5 cm (26 in. et 26 ½ in.)
Provenance :
Très probablement partie de la suite livrée pour le Cardinal Joseph Fesch (1763-1839) au Palais del Bufalo, Rome ;
Très probablement transféré en 1815 à l’Hôtel Hocquart de Montfermeil, Paris ;
Très probablement vente à Paris, le 17 juin 1816 ;
Très probablement ancienne collection prince Anatole Demidoff (1813-1870), Florence ;
Très probablement Prince Paul Demidoff (1839-1885), son neveu ;
Très probablement vente à Florence, collections du palais de San Donato, le 15 mars 1880 et suivants ;
Acquis dans les années 1920 auprès d’un antiquaire par les grands-parents des propriétaires actuels ;
Collection aristocratique européenne.
A set of four Empire giltwood armchairs, after a design by Dionisio and Lorenzo Santi, Rome, circa 1806
Cet ensemble de sièges provient très certainement de l’importante commande d’un mobilier d’apparat réalisée pour le compte du cardinal Joseph Fesch (1763-1839), oncle maternel de l’Empereur Napoléon Ier, au moment de son ambassade romaine entre 1803 et 1806.
Un éminent commanditaire
Le cardinal Joseph Fesch fut l’un des plus grands collectionneurs de la première moitié du XIXe siècle. Formé au séminaire d’Aix-en-Provence, il abandonna l’habit religieux pour suivre Napoléon Bonaparte en Italie lors des campagnes militaires à partir de 1796. Passionné d’art, il commence à cette époque à rassembler les premières œuvres de sa vaste collection. En mars 1800, il s’installe à Paris et fait l’acquisition de l’hôtel Hocquart de Montfermeil, œuvre de Nicolas Ledoux, situé dans le quartier de la Chaussée d’Antin, rue du Mont-Blanc. Il décide alors de retourner à la vie ecclésiastique ; il est nommé archevêque de Lyon en 1802, et en 1803 Napoléon lui confie la prestigieuse charge d’ambassadeur de France auprès du Saint-Siège.
Installé au Palazzo del Bufalo, piazza Colonna, il y réside jusqu’en 1806, date de son retour à Paris suite à la détérioration des relations entre l’Empereur et le Pape. C’est à l’occasion de cette ambassade romaine que ce mobilier est commandé et exécuté. En 1815, contraint à l’exil à la chute de l’Empire, il s’établit définitivement à Rome au palais Falconieri, qui devient l’écrin de son immense collection.
L’attribution du mobilier à cette prestigieuse commande
Nous ne connaissons pas les menuisiers auxquels cet ensemble est dû ; cependant, son dessin peut être rapproché de ceux des architectes Lorenzo (1783-1839) et Dionisio Santi, Modèles de meubles et de décorations intérieures, publié en 1828 (cfr. E. Colle, Il Mobile Impero in Italia, Electa, Milan, 1998, p. 14). Présenté de profil, le dessin d’un fauteuil illustré (cfr. fig. 1) correspond parfaitement à notre modèle : dossier arqué, montants cannelés surmontés de chapiteaux feuillagés, accotoirs soutenus par des chimères ailées, assise à cannelures, pieds en griffe.
Un inventaire du mobilier de l’hôtel Hocquart de Montfermeil est dressé en 1815 lors de l’exil du cardinal. L’ensemble impressionnant y est répertorié en ces termes : « six canapés, deux causeuses, quarante-et-un fauteuils, quarante-huit chaises, le tout neuf, destiné à faire un meuble de représentation, de bois richement sculpté orné avec chimères ailées, pieds à griffes, à rosaces et aigles, les sièges et dossiers bourrés de crin. Couverts de toile sans étoffe. Et le tout ensemble dix mille quatre cent quarante francs. »
Un mobilier d’apparat à l’histoire mouvementée
Au moment de la chute de l’Empire, cet ensemble connaît un destin mouvementé. Réalisé en Italie pour l’ambassadeur à Rome, il est transféré dès 1806 à Paris dans l’hôtel particulier du cardinal. À l’exil de Fesch, une partie de l’ensemble est dispersée lors d’une vente aux enchères le 17 juin 1816 (lots 444 à 446). Trois variantes du modèle y sont décrites : au dossier à fronton cintré, au fronton triangulaire, ou encore avec une variation au niveau des accotoirs.
Notre suite semble correspondre à celle décrite sous le lot 444 :
« Douze chaises, seize [ou sept] fauteuils, avec deux canapés, en bois sculpté et doré, et bourrés de crin, sans être couverts ; les bras des fauteuils sont soutenus par des chimères ailées, à tête de lion, et des dossiers entourés d’arabesques avec couronnement cintré et orné de l’aigle romaine. »
Cela semble correspondre aux modèles légués par le cardinal Fesch au musée d’Ajaccio, où ils sont encore conservés aujourd’hui, ainsi que la série ayant appartenu à Joseph Bonaparte, roi d’Espagne et comte de Survilliers (1768-1844), principal héritier du cardinal, qui en récupéra également une partie.
Une part importante de l’ensemble est acquise lors de la vente de 1816 par le prince Anatole Demidoff pour sa somptueuse résidence florentine de la villa San Donato. Les sièges sont clairement identifiables dans deux aquarelles représentant la salle de bal, réalisées par Fortuné de Fournier en 1841 (cfr. fig. XXXX).
Ils s’y trouvent encore au moment de la vente historique organisée le 15 mars 1880 à l’initiative de Paul Demidoff. Pas moins de 61 pièces sont identifiables dans le catalogue (lots 5, 143, 144, 1082, 1083, 1084), réparties entre « l’entrée principale », « la salle de bal » et « la grande galerie flamande et hollandaise » (cfr. fig. XXXX).
Nous ignorons le destin de notre ensemble entre la vente de 1880 et les années 1920, date à laquelle il est acquis par les membres d’une famille aristocratique européenne, dans la descendance de laquelle il est resté jusqu’à nos jours.
Des pièces de cette même série sont conservées dans le « Cross Hall » de la Maison Blanche (cfr. fig. XXXX) à Washington. Cet ensemble pourrait avoir été acquis par le président James Monroe lors de la vente Fesch de 1816.
Un fauteuil estampillé (JM 76 216) est conservé au James Monroe Museum à Fredericksburg en Virginie (cfr. fig. XXXX).
Parmi les pièces de cet ensemble passées en vente publique ces derniers années, rappelons :