Pendant plus de soixante ans, Robert Couturier a travaillé dans la discrétion de son atelier parisien de la Villa Seurat, consacrant son œuvre à l’exploration du corps humain, en particulier celui de la femme. Formé au dessin et à la lithographie, il développe très tôt un langage sculptural personnel, influencé dans un premier temps par sa rencontre avec Aristide Maillol en 1928. La mort de Maillol en 1944, représente un moment de rupture où Couturier commence affirmer sa propre vision et devenir ce qu’il appelle un « anti-Maillol ».  

Plutôt que d’ajouter, Couturier préfère évider la matière. Cette approche, qu’il nomme « forme ouverte », permet à l’air et à la lumière de devenir des éléments actifs de la sculpture. Le corps, ainsi transformé, paraît fluide, changeant selon l’angle de vue. Par ce jeu d’espaces et de vides, Couturier invite le regardeur à pénétrer l’œuvre, à en faire l’expérience de l’intérieur. Il se décrit lui-même comme un « dessinateur de la sculpture », tant sa pratique repose sur la suggestion plus que sur l’imposition de la forme. 

Le Donjon de Vez consacre à cette œuvre singulière une grande exposition estivale, organisée du 30 juin au 2 novembre 2025. Il s’agit de la première rétrospective d’envergure dédiée à Robert Couturier depuis 2005, rassemblant une vingtaine de sculptures monumentales et grandeur nature, installées dans les jardins et les salles du Donjon. L’exposition Robert Couturier s’inscrit dans cette dynamique, en révélant l’œuvre d’un artiste majeur du XXe siècle dans un cadre patrimonial exceptionnel.   

Cette exposition est réalisée avec le soutien de la Galerie Dina Vierny, qui représente la succession de l’artiste, et orchestrée par l’Agence Artcurial Culture, spécialisée dans la conception et la mise en œuvre de projets culturels sur mesure.

Robert Couturier naît en 1905 à Angoulême et rejoint très jeune Paris pour y étudier la lithographie. Son talent est vite remarqué : en 1928, il croise la route d’Aristide Maillol, qui devient à la fois son maître et son ami. Les années 1930 marquent le début d’une reconnaissance publique. Lauréat du prix Blumenthal, il participe à de nombreuses expositions collectives à Paris. En 1936, une commande officielle le propulse sur la scène nationale : il réalise Le Jardinier pour l’esplanade du Trocadéro, ainsi que les sculptures et décors du Pavillon de l’Élégance à l’Exposition universelle de 1937.

Fait prisonnier pendant la Seconde Guerre mondiale, il parvient à s’évader et participe, en pleine occupation, à la fondation du Salon de mai en 1943, un acte fort de résistance artistique. Dès la Libération, il devient professeur à l’École nationale des Beaux-Arts. Sa carrière s’internationalise rapidement : dès 1947, il expose en solo à Londres et participe à des expositions majeures à Berne et Amsterdam. Il représente la sculpture française aux Biennales de Venise (1950) et São Paulo (1951), puis à celles de Sonsbeek et Anvers au début des années 1950.

Les grandes institutions commencent à lui consacrer des rétrospectives : le musée Rodin en 1970, puis la Monnaie de Paris en 1975. En 2005, à l’occasion de ses cent ans, la Fondation Dina Vierny – Musée Maillol lui rend un hommage exceptionnel avec une rétrospective à Paris. La même année, il est élevé au rang d’Officier des Arts et Lettres. Il s’éteint en 2008 à l’âge de 103 ans, laissant derrière lui une œuvre foisonnante, riche de plus de 500 sculptures. 

La Galerie Dina Vierny, qui l’expose pour la première fois en 1984 dans son espace de la rue Jacob, reste aujourd’hui encore un acteur essentiel dans la valorisation de son œuvre. En 2019, elle lui consacre une nouvelle exposition intitulée Couturier – Richier, une amitié sculpturale, revenant sur le lien profond qui unissait ces deux figures majeures de la sculpture française du XXe siècle.

Classé Monument Historique depuis 1906, le Donjon de Vez, situé dans l’Oise, est une forteresse médiévale emblématique qui mêle histoire et création contemporaine. Haut de 27 mètres, il conserve ses structures défensives typiques du XIVe siècle, comme ses murailles, ses courtines, ses mâchicoulis et ses gargouilles, conçues pour résister à de longues attaques.

La chapelle attenante, riche en vestiges historiques, comprend une crypte avec des sarcophages gallo-romains, des fonds baptismaux de la cathédrale de Morcourt, ainsi que les tombeaux de Léon Dru et son épouse, anciens propriétaires qui ont marqué l’histoire du château.

Au fil des siècles, le château a connu plusieurs propriétaires soucieux de préserver son caractère médiéval tout en y apportant le confort moderne. Par ailleurs, la cour Bourdelle rend hommage au sculpteur Antoine Bourdelle avec des bronzes exposés dans un jardin de pommiers, créant un dialogue harmonieux entre art et nature.

Aujourd’hui, le Donjon de Vez est reconnu pour son équilibre unique entre patrimoine historique et valorisation contemporaine, offrant un cadre exceptionnel à des expositions d’art, comme celle dédiée à Robert Couturier.