Artcurial & Millon dévoilent un chef-d’œuvre perdu de Guido Reni

Guido RENI (Bologne, 1575-1642) 
David contemplant la tête de Goliath 
227 x 145,5 cm 
Estimation : 2 000 000 - 4 000 000 €

Guido Reni (Bologne, 1575-1642)
David contemplant la tête de Goliath
227 x 145,5 cm
Estimation : 2 000 000 - 4 000 000 € 

Le mardi 25 novembre prochain, les maisons Artcurial et Millon auront l’honneur de présenter aux enchères une redécouverte exceptionnelle : David contemplant la tête de Goliath de Guido Reni, une œuvre magistrale du XVIIe siècle, disparue depuis plus de deux siècles, estimé 2 000 000 - 4 000 000 €.

Une provenance exceptionnelle 

Cette version, d’une rare intensité dramatique, a appartenu à Francesco Ier d’Este, duc de Modène (1610-1658) qui l’acquit directement auprès de l’artiste, puis au prince Eugène de Savoie (1663-1736), illustre généralissime de l’Empire, défenseur de la chrétienté et bâtisseur du palais du Belvédère à Vienne.

Vue gravée du palais du Belvédère à Vienne en 1734, où est exposée David contemplant la tête de Goliath, de Guido Reni 

Vue gravée du palais du Belvédère à Vienne en 1734, où est exposée David contemplant la tête de Goliath, de Guido Reni

Dans cette composition, la tête de Goliath est tournée vers la droite, comme dans la version conservée au musée du Louvre (de l’ancienne collection Créquy, puis du roi Louis XIV), avec laquelle elle partage une grande proximité stylistique.

À la mort du prince Eugène, sa prestigieuse collection est en grande partie rachetée par son neveu Charles-Emmanuel III de Savoie et placée dans son palais royal de Turin.

Lors de la conquête de l’Italie par la France dans les dernières années du XVIIIe siècle, le tableau est rapporté en France dans les bagages du général Pierre-Antoine Dupont de l’Etang, avant de disparaître pendant près de 230 ans et d’être aujourd’hui redécouvert chez ses descendants.

Un jalon essentiel dans la naissance du classicisme et du baroque 

Avec cette œuvre, vers 1605-1606, Guido Reni rebat les cartes de la scène picturale romaine.

Le maniérisme tardif, encore largement répandu par des élèves de Girolamo Muziano et du cavalier d’Arpin, domine alors la scène artistique. Cependant, deux courants réalistes s’imposent comme forces novatrices. Caravage, après avoir réalisé les tableaux de la chapelle Contarelli entre 1599 et 1602, vient de terminer deux grandes toiles pour la chapelle Cesari à Santa Maria del Popolo à Rome. Parallèlement, les Bolonais Annibal et Augustin Carrache décorent à fresque la voûte du palais Farnèse, réinventant l’iconographie mythologique dans un style lumineux et équilibré, nourri des grands modèles de la Renaissance.

Détail de l’œuvre  

Détail

À trois reprises, Caravage a peint ce sujet du David avec la tête de Goliath. Au moment où Guido Reni peint sa propre version, Caravage réalise celle aujourd’hui conservée à la Galerie Borghèse, dans laquelle il donne à la tête tranchée de Goliath ses propres traits.

Le David marque une étape clé dans l’évolution stylistique de Guido Reni, figure majeure de l’école bolonaise.

Par ses traits délicats et son élégance presque androgyne, le jeune homme qui symbolise la victoire de l’adresse sur la force est debout dans une posture recueillie, loin de tout triomphalisme. Le contraste entre son regard pensif et la tête ensanglantée de Goliath souligne l’ambiguïté du héros, oscillant entre douceur et violence.

L’influence du caravagisme transparaît dans le réalisme cru de la tête coupée, l’attention portée à la matière, et le clair-obscur dramatique qui détache la figure du fond sombre. Toutefois, Reni se distingue de Caravage par une volonté d’idéalisme et d’harmonie. Là où le peintre lombard privilégie l’intensité dramatique, les figures populaires et une lumière violente, Reni cherche une beauté apollinienne, une composition équilibrée et une lumière diffuse qui caresse les formes.

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Détail

Ce classicisme bolonais, hérité des principes de l’Académie des Carrache, vise à ennoblir les sujets religieux ou historiques par une retenue formelle et une élévation morale. Notre tableau illustre ainsi la tension féconde entre les deux grands courants du Seicento italien : le naturalisme caravagesque et l’idéal classique. Très vite, l’œuvre inspire l’ensemble des peintres qui suivront, qu’ils soient d’obédience caravagesque ou classicisante.

Détail

Les différentes versions de cette iconographie chez Guido Reni

La réapparition du tableau survient dans le sillage de deux expositions récentes qui ont redéfini le statut des répliques autographes et les pratiques de l’atelier du maître : au Städel Museum de Francfort et au Prado à Madrid en 2022-2023 et au musée des Beaux-Arts d’Orléans en 2024.

Nous devons à Corentin Dury (Conservateur du patrimoine, chargé des collections anciennes au Musée des Beaux-Arts d'Orléans) la classification en différentes typologies de cette iconographie du David chez Guido Reni.

Parmi ces dernières, signalons les deux principales :
La typologie Créquy, avec la tête de Goliath dirigée vers l’extérieur, tire son nom de Charles III de Créquy, ambassadeur à Rome de Louis XIV et propriétaire de la version du musée du Louvre : la composition générale de notre toile et de celle du Louvre sont presque identiques, elles diffèrent par quelques détails ponctuels qui illustrent la liberté que s’accorde l’artiste dans la réalisation de plusieurs versions autographes.

Un troisième tableau a été un temps confondu avec le nôtre : vendu par Sotheby’s à Londres comme un original en 1985, puis en 2012, il a été rendu depuis à un collaborateur du maître, peut-être Simone Cantarini. La provenance avait alors été donnée à tort et n’a pas d’historique plus ancien que sa découverte dans un château en Écosse vers 1900.

La typologie La Vrillière, avec la tête de Goliath dirigée vers l’intérieur, tire son nom du collectionneur Louis Phelypeaux de La Vrillière qui détenait la plus importante collection de tableaux italiens à Paris après celle du roi Louis XIV dans laquelle figurait la version du David, aujourd’hui reconnue comme autographe et actuellement conservée au musée des Beaux-Arts d’Orléans.

Cette dernière version a donné lieu à des copies d’atelier conservées à Florence (Galleria degli Uffizzi), Dresde (Gemäldegalerie Alte Meister) et Osnabrück (Kulturgeschichtliches Museum).

Informations

Vente aux enchères chez Artcurial
Mardi 25 novembre 2025

Expositions
Du 16 au 20 septembre 2025
Hôtel Drouot
9 rue Drouot
75009 Paris

Début octobre 2025 
Adam Williams Fine Art
24 East 80th Street
New York, NY. 10075

Du 21 au 24 novembre 2025
Artcurial
7 rond-point des Champs-Elysées Marcel-Dassault
75008 Paris

Contact
Léa Pailler
+33 1 42 99 16 50

Expertise
Cabinet Turquin